Sylvain Drapier est enseignant-chercheur et directeur de la chaire industrielle Hexcel aux Mines de Saint-Étienne. MEP l’a rencontré ce mois de Février pour lui poser quelques questions sur son parcours et sa place à l’école des Mines Saint-Étienne.

Bonjour Monsieur Drapier, merci d’accepter de nous recevoir. Tout d’abord, nous aimerions vous demander : quel a été votre parcours professionnel ?

J’ai suivi une formation universitaire dans le domaine des mathématiques, de l’informatique et de la mécanique. Pour rentrer un peu plus dans le détail j’ai réalisé d’abord ce que l’on appelait autrefois une maîtrise, c’est-à-dire un diplôme universitaire national de niveau Bac+4 en mécanique et en informatique. Ensuite j’ai effectué une thèse en mécanique numérique suivie d’1 an en tant que chercheur associé à l’Université de Bristol en aérospatial. C’est après cela que je suis revenu en France pour être maître assistant à l’École des Mines de Saint-Etienne en 1998 et je suis devenu professeur 7 ans plus tard en 2005. A l’École j’ai été, pendant de nombreuses années (de 2007 à 2016), responsable du département Mécanique et Procédés d’Elaboration directe. Je suis également Titulaire de la Chaire industrielle Hexcel – Mines Saint-Etienne en “Modélisation numérique des procédés d’élaboration par infusion de structures composites aéronautiques” mais aussi Directeur adjoint de la fédération de recherche CNRS FR 3411 IngeLySe.

Pourquoi être revenu en France ?

Vous êtes trop jeune pour l’avoir connu mais il faut garder en tête qu’en 1997, il était compliqué de maintenir un lien avec la France si on travaillait à l’étranger. Ainsi, après quelques années, on se retrouvait totalement déconnecté de la France et de son réseau professionnel. Il devenait alors très compliqué de revenir s’y installer de nouveau pour continuer sa carrière par la suite. J’ai donc préféré revenir en France car je ne comptais pas rester toute ma vie expatrié.

Pourquoi avoir choisi l’École des Mines de Saint-Etienne ?

Pour plusieurs raisons. D’abord le cadre de vie est agréable, il me correspond plus qu’une grande ville car Saint-Etienne est à taille humaine et proche de la nature, on y retrouve les avantages d’une ville sans ses inconvénients. Par ailleurs, le fait que l’École des Mines de Saint-Etienne soit sous la tutelle du ministère de l’Industrie permet d’obtenir des moyens financiers et de travail alloués à la recherche qui sont généralement plus importants qu’ailleurs, ce qui est déterminant.

Pourquoi avoir choisi de rejoindre “le public” au lieu du privé ?

Si l’on considère exclusivement le salaire, il est certain qu’il faudrait privilégier le privé, mais ce n’était pas ce que je cherchais. Être chercheur à l’École des Mines permet de prendre de la hauteur sur ses recherches pour aller au-delà du simple problème et d’innover. C’est la grande différence avec le privé où la recherche se résumait souvent, quand j’ai fait ce choix, à résoudre des problématiques très techniques, en ayant, à mon sens, trop « la tête dans le guidon ». Les problèmes se succèdent les uns à la suite des autres sans jamais pouvoir prendre de la hauteur et analyser ce que l’on fait pour aller plus loin. Là où je suis, j’ai le sentiment de faire de la science motivée par les problèmes industriels, mais avec le temps caractéristique de la science.

Pourquoi ne pas avoir continué en aérospatial ? 

Dans l’aérospatial il y a plusieurs branches : celle des systèmes du contrôle-commande (asservissement et automatisme), celle de l’aérodynamique, et enfin celle des structures dans laquelle j’étais. Mes activités continuent de porter sur l’aspect structure pour l’aérospatial, sous l’angle de l’élaboration et du comportement en service.

 Où travaillez-vous ?

Je suis actuellement au Centre de recherche sur le secteur Science des matériaux et des structures dans le département Mécanique et Procédés d’Élaboration (MPE). C’est le département que j’ai fondé il y a maintenant 15 ans, en 2007, et que j’ai dirigé durant 10 ans.

A l’époque nous sommes partis d’un constat : quand on veut faire réaliser une structure, un produit, il est essentiel de maîtriser son élaboration. Nous avons donc décidé d’étudier les procédés pour réaliser nos structures. Le but est en effet d’avoir telles ou telles propriétés à un endroit précis. Pour rebondir sur votre question précédente, c’est surtout vrai en aéronautique où les structures sont optimisées et contraintes au niveau qualité. Je suis l’initiateur et le porteur de la Chaire industrielle Hexcel – Mines Saint-Etienne “Modélisation numérique des procédés d’élaboration par infusion de structures composites aéronautiques” depuis 2015. Hexcel est un partenaire industriel de longue date,  et le leader mondial des composites pour l’aéronautique. Nous avons obtenu un budget de 2,2 millions d’Euros en 5 ans.

Chaque année, un groupe d’étudiants du défi Eco-conception et de la Majeure Mécanique est accueilli sur le site assez unique d’Hexcel (le plus grand site mondial de tissage de renforts carbone) et est invité par cette même société au salon JEC World à Paris, le plus grand rendez-vous mondial des professionnels des composites et bio-composites.

Quel est votre domaine de recherche aux Mines de Saint-Etienne ?

Mes domaines de recherches portent majoritairement sur la modélisation numérique en mécanique des solides, des fluides, des milieux poreux … et plus globalement des couplages. Au début de ma carrière, j’ai eu l’opportunité d’appliquer ces recherches aux problèmes de rupture de structures multi-échelles, mais aussi à la biomécanique des tissus mous quand j’ai initié cette thématique à l’École des Mines. Mais depuis une quinzaine d’années ces activités visent essentiellement les procédés d’élaboration de composites pour les structures primaires aéronautiques : procédés par infusion de résine liquide d’une part, et  mise en forme de renforts fibreux d’autre part.

Pourquoi avez-vous choisi d’enseigner, qu’est-ce que cela vous apporte ?

Il est très important pour moi de former la future génération mais surtout de bien la former. De plus, étant tombé sur des enseignants assez exceptionnels, cela a contribué à me donner le goût de transmettre. Mon but est de former les étudiants afin qu’ils soient solidement armés pour leur future vie professionnelle ; en tant qu’Ingénieurs Civils des Mines ils sont appelés à contribuer aux grands défis scientifiques et techniques que nous vivons déjà.

Je suis par exemple enseignant de Mécanique des Milieux Continus, qui est un cours du tronc commun de première année en physique. Je suis aussi responsable de la majeure mécanique et m’occupe de l’Unité Pédagogique en Mécanique des structures. Auparavant, j’ai enseigné bien d’autres sujets en lien avec la mécanique et la mécanique numérique,  et depuis toujours, j’ai tenu tous mes cours en accès libre car la transmission du savoir passe aussi par ce type de support. (Disponible ici : https://www.mines-stetienne.fr/en/author/drapier/teaching/)

Qu’est ce qui est le plus important dans l’enseignement de la mécanique pour vous ? 

L’important en mécanique est d’être rigoureux et de savoir poser les problèmes. C’est-à-dire modéliser le réel en faisant le lien entre les équations mathématiques et le monde physique en posant les hypothèses pertinentes. C’est un des points forts de l’enseignement à la française. C’est d’autant plus vrai à l’École des Mines où l’on apprend aux étudiants à résoudre une famille de problèmes plutôt qu’un cas particulier.

De plus, ce n’est pas la technologie qui est enseignée chez nous. De très bonnes écoles spécialisées le font, mais ce n’est pas le cas des Mines, même si ponctuellement des enseignements de génie mécanique sont proposés. Les enseignants préfèrent former des étudiants avec un bon niveau d’abstraction et qui savent résoudre tout type de problèmes. Ceci passe  par la compréhension des concepts fondamentaux. Par exemple, l’utilisation de logiciels de modélisation peut s’apprendre seul. Mais pour en faire une utilisation pertinente et rationnelle, il faut bien maîtriser les fondements de la mécanique car un logiciel reste une « grosse calculatrice » qui résout ce qu’on lui a appris à résoudre, dans un cadre déterminé qu’il faut maîtriser pour en tirer des informations fiables.

Ce type d’étudiants ICM formés dans nos domaines est très demandé par le milieu industriel qui est à la recherche d’ingénieurs avec les moyens et l’envie d’aller au-delà du simple problème pour innover. Cela explique notamment la facilité qu’ont les élèves intéressés à être pris en thèse à la fin de leur cursus à l’École.

Plus généralement, qu’est-ce que les Mines de Saint-Étienne ont comme avantages dans votre domaine de recherche ?

Pour moi, les avantages de l’École des Mines sont nombreux. Historiquement, l’activité s’est développée ici et cela continue de se faire avec la métallurgie du bassin. Cela confère une reconnaissance historique à notre école. Nous disposons d’un nombre de laboratoires importants qui nous permettent de mener nos activités à leur terme avec une certaine autonomie. La richesse de nos laboratoires positionne l’École des Mines comme un acteur majeur de la transition : transition énergétique, transition industrielle, et transition sociétale. Depuis 10 ans, nous développons l’IA au sein de l’École dans tous les domaines, ce qui favorise les approches transversales des projets de recherche et diffuse également en enseignement.

Nous remercions chaleureusement Sylvain Drapier pour le temps qu’il nous a accordé. Mines Études et Projets (MEP) propose à ses clients les compétences en informatique, gestion-stratégie, et ingéniérie des étudiants de l’École des Mines de Saint-Étienne. MEP est la Junior de la filière généraliste de l’École des Mines de Saint-Étienne. N’hésitez pas à nous demander un devis pour réaliser vos projets.